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Travailleur non salarié et non reconnu

 

Dans le travail de tous les jours, les reliefs qui caractérisent un travailleur non salarié (créateur d’entreprise, gérant majoritaire, artisan etc.) s’estompent.

La plupart des travailleurs non salariés issus de la création d’entreprise débutent leurs carrières en tant que salariés.

Le futur TNS (travailleur non salarié) ayant généralement un profil plus créatif que la moyenne, peut alors se croire doté de multiples talents non reconnus par son entreprise.

Mais une fois sa propre affaire lancée, il va s’agiter avec des traits atténués, très souvent dans un parfait anonymat.

C’est pourquoi à une certaine période de sa vie, il va essayer tant soit peu, de se rendre intéressant.

Mais lorsqu’en dépit de tous ses efforts pour sortir de la banalité et de la routine, il y retombe irrémédiablement, alors il a toutes les chances de devenir représentatif d’une médiocrité qui vise à tout prix à l’originalité et à la distinction.

Il n’y a rien de plus vexant que d’être, par exemple, sociable, d’extérieur avenant, instruit, et de n’avoir néanmoins aucun talent, aucun trait personnel, de ne rien penser en propre, enfin d’être comme tout le monde.

La tristesse et l’innovation

 

Malheureusement c’est le cas de la grande majorité des TNS.

Et cette écrasante majorité se divise en deux catégories principales : ceux qui sont bornés, et ceux qui sont plus intelligents.

Ce sont les premiers les plus heureux : un TNS ordinaire d’esprit borné peut se croire extraordinaire et original.

Il suffit à certains d’endosser les décors d’un chef d’entreprise (carte de visite, “fondateur” sur LinkedIn…) pour se persuader aussitôt que cela leur confère une grandeur d’âme personnelle.

Il suffit à un autre de s’assimiler une pensée qu’il a lu dans un livre, pour s’imaginer que cette pensée lui est propre et qu’elle a germé dans son cerveau.

Ce sont des cas étonnants de témérité dans la naïveté que l’on rencontre constamment.

Et ceci a même quelque chose de tendre et d’enfantin ; on leur pardonne généralement leur arrogance. Ceux-là ne sont pas concernés par l’innovation.

Mais il y a aussi le travailleur non salarié ordinaire appartenant à la seconde catégorie, celle des médiocres intelligents.

Cette seconde catégorie est beaucoup plus exposée à la tristesse et au malheur, mais en contrepartie c’est d’elle que jaillira l’étincelle de l’innovation.

La vanité et l’innovation

 

Cela tient à ce qu’un travailleur non salarié ordinaire mais intelligent, même s’il est persuadé d’être comme tout le monde, n’en garde pas moins dans son cœur le ver du doute qui le ronge.

Ahhhh…j’aurais pu inventer la poudre si mes conditions étaient différentes, si je n’étais pas marié, si mes parents étaient différents, si la conjoncture était moins dure…

Et s’il se résigne à sa condition, il n’est jamais rasséréné, parce qu’il est définitivement intoxiqué par le sentiment de la vanité refoulé.

Le désir de déployer notre singularité, et la vanité refoulée, voilà ce qui peut nous pousser à accepter une charge qui nous dépasse, à savoir l’innovation.

Ce sont donc ces affects qui font surface, lorsqu’un individu n’est plus obligé à vivre constamment dans la sujétion et la justification en tant que salarié.

Et c’est ce type de situation qui va pousser inexorablement un travailleur non salarié à innover.

Il reste alors un dernier obstacle pour disposer d’innovations réellement applicables : le degré de réalité de l’innovation.

 

Quelles sont les créations d’entreprise qui fonctionnent ?

 

Une création d’entreprise obéit aux mêmes mécanismes que n’importe quel type de création (création d’un livre, d’un tableau, d’un concept scientifique etc.).

Et une vraie création est toujours sans égo.

Même les artistes les plus insupportablement égotiques sont sans égo lorsqu’ils créent.

Dans le cas d’une création d’entreprise, si l’entreprise est conçue pour son fondateur seul, elle ne fonctionnera pas puisque tout le
monde s’en moque du fondateur. Le salarié veut un salaire, le client un produit et l’investisseur de l’argent.

Si l’entreprise est faite pour les clients, les salariés et les investisseurs, et non pour son fondateur, elle ne fonctionnera pas non plus. C’est tout de même le fondateur qui fait tourner la boutique.

Si l’entreprise est faite pour tout le monde, mais que sa promesse n’a aucun sens, elle ne fonctionnera pas non plus. Elle tournera en rond.

Mais si l’entreprise est conçue à la fois pour son fondateur et pour les autres, dans la voie d’une vraie promesse, alors elle fonctionnera : c’est cela une création.
La vision d’un vrai créateur d’entreprise est décrochée de son égo et ceux des autres.

Il ne monte pas une entreprise pour gagner de l’argent ou devenir célèbre. Il ne monte pas non plus une entreprise pour faire plaisir aux clients ou aux investisseurs.

Sa vision est fixée sur une réalité qui englobe, unifie et améliore son être et ceux de tous ceux qui sont dans son écosystème.

Un vrai entrepreneur est focalisé non pas sur les choses, mais sur les rapports entre les choses.
Il sait bien qu’en touchant à un morceau de l’entreprise, les autres morceaux se mettent à bouger.

Alors que l’entrepreneur qui reste au stade égotique, ressemble à une personne qui habite un quartier de Paris dont il connaît très bien les détails, sans connaître la ville de Paris dans sa totalité et toutes ses dimensions.

Même s’il rassemble les données partielles de chaque quartier, il ne comprendra ni la forme de Paris, ni la relation de chaque quartier à un autre, ni sa beauté ou sa laideur.

Son mental est incapable de répondre aux questions les plus importantes relatives à un ensemble, à un tout, c’est-à-dire une entreprise.

A suivre…